La Moxibustion

Qu’est que la moxibustion?

Lors de mes études de médecine chinoise, durant le cursus de base, j’ai eu l’occasion d’aborder la moxibustion de manière succincte. Je me suis vite questionnée sur pourquoi cette matière n’est pas plus approfondie durant les études. La réponse est venue lorsque j’ai suivi le module de formation continue d’Antoine Wegmüller sur la compréhension et la pratique de la moxibustion. Les informations exposées dans cet article proviennent du support de cours de cette formation. J’encourage tous les praticiens désireux d’acquérir une formation solide en moxibustion de s’inscrire à ce cours. Vous trouverez ici le lien de la formation en moxibustion.

La moxibustion est une technique majeure de la médecine chinoise. Elle consiste à réchauffer certains points du corps à l’aide de bâtons d’armoise ou d’armoise en vrac, dans le but d’obtenir un effet thérapeutique. Elle est directement liée à l’acupuncture. Le sens du terme ZhenJiu, traduit en occident par acupuncture, veut dire en chinoise: piquer et brûler. On peut donc constater que la sémantique du terme nous mène vers l’acupuncture certes, mais aussi vers la moxibustion. Autrement dit, l’acupuncture est indissociable de la moxibustion. D’ailleur le chapitre 7 du lingshu mentionne: lorsque l’on n’arrive pas à traiter par l’aiguille, il convient d’employer la moxibustion. Contrairement à la pratique chinoise, en occident la moxibustion a été mise de côté dans la plupart des cabinets, mais pour quelles raisons?

Peu de cabinets utilisent la moxibustion, pourquoi?

La principale raison est que la plupart des praticiens ne sont pas ou peu formés. La mise en œuvre devient donc périlleuse, risquée. L’autre raison est que peu de cabinets disposent d’un extracteur de fumée. De plus, toutes sortes de croyances et une incompréhension de la méthode freinent les praticiens, comme:

  • les patients vont être incommodés par la fumée et que cette fumée laisse un odeur désagréable. 
  • les cendres salissent l’espace de travail et les habits du patient.
  • Les praticiens pensent que la moxibustion ne traite que les situations de vide.
  • c’est une technique dangereuse qui peut blesser le patient. 
  • Cela prend trop de temps, plus que l’acupuncture.
  • peur de rajouter de la chaleur à une situation de chaleur.
  • etc…

Un praticien bien formé, connaissant les risques de la pratique de la moxibustion, sait minimiser ces risques et prend toutes les précautions afin d’optimiser les effets thérapeutiques.

L’armoise, base matériel de la moxibustion:

Artemisiae vulgaris, l’armoise, en chinois Aiye 艾叶, est la plante avec laquelle on produit la laine d’armoise servant à confectionner les bâtons de moxa ou le moxa en vrac. Les feuilles sont récoltées puis séchées et entreposées entre 3 et 5 ans, voire 10 ans dans certains cas d’armoise de qualité supérieure. Puis elles vont subir tout un procédé de raffinage jusqu’à l’obtention d’une matière souple et soyeuse. 

L’armoise possède les caractéristiques suivantes:

  • saveur: amère et piquante
  • nature: tiède
  • tropisme: Foie, Rate et Rein.
  • fonctions: réchauffer les méridiens, arrêter le sang, disperse le froid et arrêter la douleur.

Lors de la mise en œuvre des techniques de moxibustion, il est important de comprendre que les propriétés de la plante sont essentielles. Plusieurs études ont mis en évidence une vingtaine de molécules ainsi que les mécanismes permettant d’objectiver les propriétés anti-inflammatoires, antalgiques et anxiolytiques de l’armoise.

Indications et usages thérapeutiques de la moxibustion:

  • La douleur: C’est la principale indication de la moxibustion. On considère, en médecine chinoise, que la douleur est due à une obstruction. Cette dernière peut être due à la stase de sang, à la stagnation de qi, au froid qui bloque les méridiens, aux traumatismes, aux dérèglements émotionnels, ou à l’insuffisance de qi et de sang. 
  • La gynécologie: Lors de tous dérèglements liés à la menstruation comme la dysménorrhée, les troubles prémenstruels. Lors de troubles de la fertilité, endométriose, vide de rein.
  • Les troubles de l’esprit (shen): comme l’insomnie, l’irritabilité, trouble de la ménopause, contrariété et frustration, angoisse.
  • La fatigue chronique par surmenage, ou lors de convalescence de longue maladie. 
  • Le traitement complémentaire du cancer lors de la modification et altération de la formule sanguine, de fatigue extrême, de difficulté à s’alimenter, perte de poids.

On peut remarquer qu’une partie de la thérapie par la moxibustion sert à traiter des situations de vide de qi, voire de vide de yang. Mais on constate qu’il y a beaucoup plus que l’effet calorifique. L’effet circulatoire sur le sang, l’effet antalgique sur les douleurs, l’effet anxiolytique sur le shen, l’effet anti-inflammatoire et la capacité à faire pénétrer du qi dans l’organisme m’ont fait réalisé la puissance de cette méthode et son utilisation indispensable en cabinet.

Les principales techniques de moxibustion:

C’est une méthode qui offre une grande variété de techniques. La plupart des ces méthodes sont dites traditionnelles car elles existent depuis des milliers d’années, d’autres sont dites modernes, car elles ont vu le jour plus récemment et ont suivi les progrès techniques. Je ne citerai ici que celles qui me paraissent être les plus utiles et les plus abordables en cabinet.

On peut classifier ces techniques en deux grandes catégories:

  • la moxibustion directe: l’armoise est brûlée à même la peau, sans intercalaire, le praticien dans ce cas doit être présent et retirer le moax lorsque celui-ci devient trop chaud.
  • la moxibustion indirecte: l’armoise est brûlée à distance à l’aide d’un bâton ou dans une boîte. On peut aussi poser le cône de moxa sur un intercalaire.

Le cône d’armoise direct:

A l’aide de l’aine d’armoise, on confectionne de cône que l’on va poser directement à même la peau. La taille et la forme du cône vont induire une pénétration du qi et un rayonnement de la chaleur plus ou moins profond. 

Le cône d’armoise avec intercalaire:

C’est la même technique que précédemment, mais il y aura en plus une substance entre le moxa et la peau qui va induire un effet supplémentaire. Parmi les intercalaires les plus habituelles on trouve: 

  • le gingembre: pour sa nature mobilisante et digestive
  • l’ail pour ces propriétés réchauffantes et antiparasitaires
  • le sel fin pour son tropisme vers le Rein
  • l’aconit pour sa nature chaude et stimulante du yang.

Le cône sur galette de plantes médicinales:

ici c’est le même principe, mais on fait au préalable une préparation de poudre de plantes de pharmacopée chinoise que l’on amalgame en galette. Les propriétés des ces plantes sont choisies en fonction des pathologies à traiter.

Le moxa sur aiguille: 

Lors d’une séance d’acupuncture, lorsqu’on veut renforcer l’effet d’une prescription de points, on coupe un bâton de moxa en morceau d’env. 2 à 3 cm, que l’on dispose sur l’aiguille. On l’ emploie ainsi surtout lorsqu’on veut tonifier, libérer et dégager les méridiens, chasser le froid et calmer la douleur.

Le bâton et la boîte à moxa

Elle consiste à appliquer la chaleur du moxa de manière fixe ou en mouvement sur un point. Souvent employé dans l’entretien de la santé par le patient lui-même, c’est une méthode facile à mettre en œuvre et donc les effets sont remarquables.

L’entretien de la santé:

Lorsqu’on parle d’entretien de la santé, la notion de prévention de la maladie entre en jeu. En occident on confond souvent prévention et dépistage de la maladie. La prévention visant à empêcher l’apparition d’une maladie, alors que lors du dépistage la maladie est déjà présente. 

De par son diagnostic différentiel extrêmement précis, la médecine chinoise peut déceler des déséquilibres bien avant que la maladie ne se déclare. Il est donc possible de mettre en place un traitement de prévention afin d’écarter tout risque de survenue de cette maladie. De la même manière, lors de convalescence suite à une longue maladie, un traitement d’entretien afin d’éviter une récidive peut être prodiguer.

C’est là que la moxibustion entre en jeu. L’entretien de la santé par la moxibustion peut être pratiquée par toutes personnes ayant appris les gestes de base et la localisation de certains points d’acupuncture. Ainsi le praticien peut enseigner à son patient les gestes qu’il pourra faire au quotidien et ainsi renforcer sa vitalité jour après jour. chose qu’il est impossible de réaliser avec l’acupuncture. 

Les pointes d’acupuncture principaux pour cet entretien seraient:

  • zusanli (36E)
  • Qihai (6RM)
  • Guanyuan (4RM)
  • Shenque (8RM)
  • Mingmen (4DM)
  • Gaohuang (43V) ce dernier, étant situé dans le dos entre les omoplates, devra être moxer par une tierce personne.

Conclusion

La moxibustion est une méthode de la médecine traditionnelle chinoise sous-exploitée en occident, dont les effets thérapeutiques vont bien au-delà de la simple calorification. C’est une méthode indissociable de l’acupuncture, qui donne à cette thérapie tout son potentiel. Pour l’acupuncteur qui l’utilise, le potentiel thérapeutique est décuplé. Je remercie de tout cœur mon maître Antoine Wegmüller de m’avoir enseigné la subtilité de cette technique, avec toute la générosité qui le caractérise. Et j’encourage tous les praticiens en médecine chinoise à se former au-delà de l’enseignement qu’ils ont reçu dans leur école. Le jeu en vaut vraiment la chandelle!

 

Ignacio Lamas praticien en médecine traditionnelle chinoise

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